Didactique Professionnelle – Quatrième Colloque International
ENTRE PRESSIONS INSTITUTIONNELLES ET AUTONOMIE DU SUJET : QUELLES ANALYSES DE L’ACTIVITE EN SITUATION DE TRAVAIL EN DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE ?
Organisé par l’Association RPDP en partenariat avec le laboratoire CIREL (EA 4354)
Les 6, 7 et 8 juin 2017 - Université de Lille - Sciences et Technologies, France

Comment l’analyse de la tâche pose des problèmes et apporte des solutions : une analyse des choix d’analyse de la tâche et de l’activité dans les recherches de quelques doctorants

Patrick MAYEN
Professeur, Université de Bourgogne Franche-Comté
Agrosup Dijon
BP 87999 21079
Dijon Cedex
patrick.mayen@educagri.fr

Thème 3 : Analyse de l'activité en situation de travail pour la formation et l’apprentissage : entre contraintes institutionnelles et potentiels pour les apprentissages professionnels ?

Contribution au symposium 3300 : Usages de la didactique professionnelle : rapport entre les enjeux, les conditions, les contenus et les méthodologies de l’analyse de l’activité
Séminaire doctoral de l'équipe Développement Professionnel et Formation – UBFC- Agrosup-Dijon

Résumé
Cette communication est construite à partir de l’étude de l’encadrement d’une dizaine de thèses de doctorat se revendiquant d’une approche de didactique professionnelle.On examinera notamment les questions relatives à l’ampleur de l’environnement examiné et à la nature des objets considérés, à la nature des caractéristiques retenues, aux méthodes utilisées, mais aussi aux intentions et aux raisons qui président aux choix. Cette analyse est une source de questionnement du cadre conceptuel, méthodologique et épistémologique de la didactique professionnelle.
Mots-Clés : analyse du travail, didactique professionnelle, analyse de la tâche,

Introduction
Cette communication est issue d’une analyse de mon expérience de directeur de thèse et de l’encadrement d’une dizaine de thèses directement situées dans le paradigme de la didactique professionnelle et de la conduite de quelques chantiers de recherche conduits personnellement.
L’attention qu’on peut apporter aux embarras rencontrés par de jeunes chercheurs en didactique professionnelle et aux réponses qu’ils inventent pour se tirer d’affaire est une source importante de questionnement pour la formation de nouveaux chercheurs. Elle l’est aussi pour interroger le cadre épistémologique, conceptuel et méthodologique de la didactique professionnelle et pour le faire progresser, parfois simplement en l’explicitant et en le rendant plus accessibles et plus clair.
Dans cette communication, et en relation avec la problématique générale du colloque et son thème numéro 3, je propose de mettre en évidence une série d’observations relatives à la question de l’analyse de la tâche - ou l’analyse de la situation - dans les démarches de didactique professionnelle.
L’importance accordée à cette part de l’analyse du travail a toujours été considérée comme essentielle en didactique professionnelle, et notamment, pour la conception de la formation. Toutefois, elle ne va pas de soi car le travail, même dans ce qu’on peut appeler la part de la tâche ou de la situation dans son acception d’environnement « donné » en distinction d’avec la part de l’activité des personnes, ne se présente jamais dans l’évidence. La situation, considérée comme environnement agissant avec lequel des professionnels ou futurs professionnels ont à faire (Mayen, 2014) n’est pas facilement identifiable ni délimitable. Elle est faite de nombreux constituants ; elle s’étend au-delà du périmètre du « poste » de travail ; une partie de ce qui « agit » et affecte l’activité des professionnels ou de ceux qui apprennent le travail, peut leur rester inconnu, méconnu, ou troublé. De ce point de vue, le soin porté à l’analyse de la tâche ou de la situation donnée concerne directement les questions propres à l’autonomie des sujets et à l’attention qu’on peut porter à cette question pour et dans la formation.
Un des enjeux de la conception des parcours de formation tient à la possibilité de créer les conditions d’exploration, de découverte ou de redécouverte, de compréhension et de conceptualisation de la situation en tant qu’environnement agissant, en particulier dans ses dimensions les moins immédiates, les moins facilement perceptibles et accessibles. Les conditions institutionnelles et organisationnelles sont rarement transparentes. Elles favorisent rarement la connaissance élargie de l’environnement de travail propre à un emploi ou à un poste. Les professionnels, même des professionnels expérimentés peuvent avoir une représentation limitée de leur environnement et ne pas « voir », ou, plus exactement, ne pas prendre en considération, une partie des objets, des phénomènes, des conditions, pourtant agissantes qu’ils ont sous leurs yeux ou en dehors de leurs yeux.
Il faut ici ajouter un point essentiel concernant l’analyse didactique professionnelle du travail : l’espace de ce qui est à connaître et à conceptualiser, autrement dit, à maîtriser, en pensée, pour pouvoir agir, dépasse l’espace de l’action tel qu’il est défini par un emploi ou un poste. Ainsi, la connaissance et la compréhension de ce qui intervient en amont de l’espace du travail d’un professionnel ou encore des conséquences de son travail en aval transforme la représentation globale de sa tâche et de son action. On raisonne encore trop souvent dans le cadre des périmètres institutionnels et organisationnels qui réduisent ou brouillent le champ de ce qui est considéré comme agissant.
Dans une perspective de conception de formation, mais aussi de conduite d’un dispositif et d’un parcours formatif, l’analyse de la tâche semble donc devoir rester une préoccupation du concepteur de formation et du formateur : avant la formation, mais aussi pendant la formation elle-même puisque ni l’analyse de la tâche, ni celle de l’activité ne peuvent jamais être estimées « achevées ».
Pendant la formation, des pans méconnus des situations de travail se révèlent, des caractéristiques agissantes sont découvertes avec les moyens d’agir avec elles. L’analyse du travail doit donc pousser l’analyse de la tâche et de la situation aussi loin qu’il est possible avant puis pendant la formation faute de quoi certaines dimensions essentielles du travail, de l’apprentissage et de ce qui est à connaître et à maîtriser risquent trop souvent d’être ignorées.
On mettra donc en évidence les embarras et les inventions des jeunes chercheurs au regard de l’analyse de la tâche pour les chantiers qu’ils ont conduits : Pour quels buts et pour quelles raisons les choix ont-ils été faits ? Comment ont-ils défini le périmètre de la tâche ? Quelle a été l’ampleur de l’environnement considéré ? Quelles caractéristiques des cadres socioéconomiques, politiques, institutionnels et organisationnels ont-elles été investiguées ? Comment les tensions entre enjeux institutionnels et enjeux des acteurs sont-elles prises en compte ? Quelles méthodes ont-elles été utilisées ? Quels effets de conception ces choix ontils eus ?
1. L’analyse des situations
La question du périmètre à considérer dans l’analyse des situations de travail se présente dans toute recherche en didactique professionnelle. Elle peut s’énoncer ainsi : à quelles situations des professionnels ont-ils affaire ? Avec quelles situations ont-ils à faire ?
1.1. L’analyse historique
Les emplois, les métiers et le travail ne sont pas stables. Ils évoluent et leur état actuel ou à venir entretient des relations avec des états antérieurs. Certaines caractéristiques des situations de travail sont marquées par le passé. En outre, les conditions du travail et les pratiques sont aussi marquées par la diversité. Pour une même famille de situations, par exemple, on peut identifier une diversité des systèmes techniques, des prescriptions, des pratiques issues d’époques différentes. Par ailleurs, on peut observer que des évolutions en cours peuvent être identifiées, décidées et prises en compte par des dirigeants ou cadres sans que ceux-ci imaginent même que les autres salariés puissent ne pas les percevoir, les identifier et les comprendre. En outre l’analyse historique du travail permet d’identifier, audelà des discours, les évolutions « consistantes » et de les distinguer des évolutions « de surface ».
L’idée de la nécessité de l’analyse historique s’est imposée pour moi au cours de ma propre thèse grâce à un cadre dirigeant de l’entreprise automobile avec lequel j’avais travaillé avant d’entreprendre ma recherche. Il avait pu me raconter l’histoire du métier de réceptionnaire qui consiste à accueillir les clients venant au garage pour faire entretenir ou réparer sa voiture.
Ce qui m’avait frappé c’est la manière dont la conception initiale du métier restait active quarante ans après, d’une part, et comment les constructeurs automobiles avaient récemment modifiés les finalités assignées au travail des réceptionnaires pour des raisons économiques liées à des évolutions des types de concurrence. Il se trouvait aussi que ces prescriptions nouvelles trouvaient des convergences positives avec les aspirations et les revendications identitaires des réceptionnaires, ce qui était important au vu de la dureté du travail de ces derniers. Mais là encore, certaines prescriptions ou modalités concrètes architecturales des concessions automobiles conservaient des traces des finalités précédentes du travail, en opposition brutale avec les nouvelles finalités.
L’analyse historique peut recouvrir aussi l’analyse du processus de transposition didactique dans le cas de l’analyse du travail d’enseignants, formateurs. Afifa Oueslati (2010) analyse ainsi le fonctionnement institutionnel du système de formation des femmes en milieu agricole, en Tunisie. Formation assurée par un groupe professionnel, celui des vulgarisatrices agricoles. Pour ce faire, elle utilise d’une manière systématique la notion de transposition didactique en partant du niveau des politiques internationales et notamment à celles qui sont liées au développement, puis au développement agricole. Elle analyse ensuite la manière dont un pays, la Tunisie, s’approprie ces orientations (très prescriptives) puis, comment le système de vulgarisation définit les objectifs et les moyens attribués aux vulgarisatrices. Enfin, elle examine comment celles-ci s’approprient ces orientations puis analyse certaines situations concrètes de vulgarisation auprès des femmes rurales. Le premier constat de la recherche est que le système de prescription est dense, pluriel, qu’il se transforme de niveaux en niveaux (du mondial au local) mais que les orientations des niveaux supérieurs ne se réduisent pas dans les orientations des niveaux inférieurs. Ce qui est frappant aussi, c’est que Oueslati constate que le long processus de fabrication d’orientations et le système global qui aboutit aux situations de vulgarisation concrètes, est pour partie inconnu des vulgarisatrices, notamment en raison de son opacité et de sa complexité. Mais les propos des vulgarisatrices sur leur travail et notamment sur le poids des prescriptions et des conditions de leur travail, montrent que certains aspects agissant sur leur travail concret, même si elles n’en connaissent pas l’origine proviennent de niveaux élevés du système de prescriptions. Elle observe aussi que les vulgarisatrices entretiennent des relations très différentes au cadre prescriptif et institutionnel. Ce qui fait la différence tient à leur conceptualisation de la vulgarisation, du savoir agricole pour les femmes. Or, ces différences de conceptualisation sont liées, pour le petit nombre de vulgarisatrices suivies dans la recherche, à l’expérience de celles-ci, d’une part, et à la profondeur de leurs connaissances des milieux ruraux dans lesquels vivent les femmes avec qui elles travaillent. La désadhérence, pour employer une notion de l’ergologie, vis-à-vis des pressions institutionnelles et prescriptives se fait par une adhérence plus grande vis-à-vis des femmes rurales. Le partage de tâches et de préoccupations ordinaires des femmes rurales, en dehors d’une stricte référence à des questions de savoirs et de formation, redéfinissent les besoins mêmes de formation et de savoirs.
1.2. L’analyse institutionnelle et prescriptive
Comme le souligne Catherine Kerbrat-Orecchioni (1990) à propos de l’analyse des situations d’interactions verbales, l’espace des situations de travail est un espace physique et un espace institutionnel. Analyser le travail consiste donc à analyser l’espace institutionnel du travail parce que celui-ci est loin d’être évident, ni vraiment perceptible ni vraiment compréhensible. L’une des composantes de cet espace est ce qu’on pourrait appeler aussi l’espace prescriptif, tant les prescriptions sont souvent nombreuses, différentes en nature et en origine, différentes entre ce qu’elles concernent les buts, les finalités et les modes opératoires ou les procédures, tant elles portent sur des dimensions microscopiques ou macroscopiques du travail ou de l’institution, tant enfin, elles se heurtent, sont en tension ou en convergence, se disent comme telles et se montrent ou, au contraire se présentent sous des formes tacites, implicites ou brouillées. Se repérer dans l’environnement institutionnel et prescriptif est une activité essentielle pour les professionnels dans de nombreux cas et la formation doit le prendre en compte. Les éléments u cadre institutionnel et les prescriptions sont ce avec quoi les professionnels ont à faire mais sont aussi ce avec quoi ils ont à faire. Il faut donc les penser comme objets de connaissance et de compréhension, mais aussi comma instruments avec lesquels il est possible d’agir.
1.3. L’analyse de l’espace physique du travail
Il existe différentes catégories d’espaces physiques : la salle de formation qu’analyse et met en évidence Otilia Holgado dans sa thèse qui étudie une formation aux systèmes d’information géographique, l’amphithéâtre pour Anaïs Loizon dans sa recherche sur le travail et la formation des enseignants-chercheurs. Mais ces espaces peuvent aussi être beaucoup plus vastes, comme c’est le cas pour Charles-Antoine Gagneur : l’espace du travail des viticulteurs coopérateurs : le village, les terres viticoles, les bâtiments de la coopérative, les partenaires extérieurs commerciaux sont redoublé par les espaces de conversations sur le travail et la production. L’enjeu formatif est la représentation de ces espaces physiques, parce qu’ils sont importants en tant que tels, mais aussi parce qu’en tant qu’espaces physiques où se réalise le travail. Mais ils sont aussi des espaces institués et des espaces organisés du travail : ils sont les situations de travail en tant que telles. Leur connaissance, leur conceptualisation est requise pour la maîtrise du travail. Or, les constats montrent que la construction conceptuelle des espaces ne va pas de soi, qu’elle demande du temps et suppose des conditions de découverte et de compréhension puis d’appropriation qui suppose la construction de représentations fonctionnelles de ces espaces. Dans la thèse de Oueslati, l’écart entre les espaces de conception des formations (dans les locaux de l’organisme) très éloignés des lieux de vie des bénéficiaires et des espaces d’action vulgarisatrices, limite, pour certaines d’entre elles la construction de représentations opératives des espaces d’action des femmes tunisiennes en milieu rural. Ce qui amène certaines d’entre elles à concevoir des formations en somme non territorialisées. Certaines vulgarisatrices expertes, à l’inverse, intègrent dans leur processus de conception les espaces dans leur conception, à savoir les espaces de travail réels des femmes mais aussi les espaces les plus propices à la formation sur le terrain.
1.4. L’analyse de l’environnement idéel du travail
L’idée d’environnement idéel s’est précisée au cours de l’encadrement de la thèse d’Anaïs
Loizon (2016) grâce à son insistance à analyser de manière systématique les évolutions du « contexte » institutionnel et prescriptif et les discours tenus sur les missions et les tâches des enseignants-chercheurs. De très nombreux mots, discours, assertions, injonctions, circulent dans la société et dans le milieu sous forme écrite ou parlée et en empruntant différents media qui définissent et redéfinissent le travail des enseignants-chercheurs. Ces discours et les idées qu’ils contribuent à faire circuler et qu’ils contribuent aussi à fabriquer, sont de natures différentes mais ils se présentent le plus souvent associés à des valeurs de progrès, d’innovation. Les enseignants-chercheurs ne sont pas confrontés directement à tous ces discours, et une bonne partie même leur est inconnue. Pour autant, ils imprègnent les prescriptions, les cadres organisationnels et institutionnels et les discours de leur propre institution, de leur milieu de travail plus proche. Cet environnement idéel imprègne leurs propres manières de considérer leur métier et leur travail, suscite des interrogations, des préoccupations, mais aussi des inquiétudes vis-à-vis de la qualité de leur propre travail.
L’environnement idéel est agissant en tant qu’il contribue à former des idées de ce que doit être le travail du côté des tâches et des résultats à obtenir, des critères de qualité du travail et des façons de faire le travail.
1.5. L’analyse de l’espace collectif du travail
Un emploi, une situation de travail sont toujours à considérer dans un processus et un système de travail. Toute analyse du travail devrait prendre en compte ce fait fondamental même s’il est à peu près impossible à réaliser pleinement dans le cadre d’une étude préalable à la formation. Borhène Chakroun (2009), dans sa thèse sur l’accompagnement en VAE examine le processus de VAE dans la situation d’accompagnement et dans la situation de jury où se réalise et de poursuit, pour le candidat, le processus d’élaboration de son expérience.
Dans sa thèse, Charles-Antoine Gagneur (2010), en adoptant une démarche d’immersion dans un village organisé autour de sa coopérative viti-vinicole, procède par élargissements successifs. Qu’est-ce que le travail, pour les viticulteurs ? Dans sa recherche, Gagneur découvre que de nombreuses conversations se passent à la coopérative et que ces conversations portent sur le travail des uns et des autres, le travail viticole, dans les parcelles, le travail vinicole qui s’effectue dans les locaux de la coopérative, mais aussi le travail commercial. L’un des apports principaux du travail tient à ce qu’il montre comment, chaque situation du processus viti-vinicole est en relation avec d’autres situations : une situation de travail actuelle, par exemple, la vendange, se prépare en référence aux vendanges ou à des vendanges précédentes. Elle se prépare et se réalise en fonction des situations de travail ultérieures et notamment toutes les opérations vinicoles qui sont affectées par la qualité de la vendange. Mais la vendange pour un viticulteur réfère aussi aux vendanges des autres viticulteurs, pour assurer la coordination des opérations et la qualité attendue du vin à l’entrée dans la cave. La coordination des situations s’effectue dans les conversations, non formelles, entre les acteurs. Ce dont ils parlent est ce qui est présent et actuel mais beaucoup plus ce qui n’est pas présent et actuel mais est en relation avec le présent et l’actuel ou pas. Tous les viticulteurs ne participent pas de la même manière aux conversations, ni au pilotage de la coopérative. Mais le groupe central des viticulteurs et des salariés qui assurent le travail vinicole et commercial, développe une expertise élevée du système global de production et peuvent ainsi assurer une coordination nouvelle de l’action et une coordination des formes d’action nouvelles à assurer pour produire un vin de meilleure qualité, seul moyen pour éviter la faillite de la coopérative et celle d’une partie des viticulteurs. Le pilotage collectif de la coopérative et de la production viticole crée un environnement d’apprentissage et de développement pour une proportion importante de la population des acteurs concernés. Sur le plan méthodologique, cette recherche procède par immersion au plus près des acteurs et par des observations des activités productives, mais aussi des activités conversationnelles à propos du travail. Elle étudie un système de production et sa régulation collective. Une part importante est consacrée à l’analyse technique du processus de production vitivinicole, sans laquelle il ne serait guère possible d’identifier ce dont les acteurs parlent et ce qu’ils régulent et transforment dans leurs conversations. La question des pressions institutionnelles et de l’autonomie des sujets est bel et bien examinée, mais elle prend des formes complexes. En effet, le sentiment et la revendication d’autonomie des viticulteurs sont forts et ils jouent un rôle d’obstacle à l’institutionnalisation d’un travail coopératif. Il faut renoncer à une autonomie d’action pour coordonner l’action pour que la coopérative se libère des pressions commerciales et trouve aussi une autonomie de décisions stratégiques dans un milieu en grande tension.
Conclusion
On n’a pris en compte ici que certains aspects de l’analyse de la tâche en didactique professionnelle. Ils sont choisis parce qu’ils ne sont pas toujours considérés dans cette part de l’analyse du travail. Or, ils sont décisifs pour l’analyse de l’activité. C’est d’ailleurs souvent celle-ci qui amène à approfondir ou à insister sur l’analyse de certaines de ces composantes agissantes des situations. Parce que le travail en montre les effets sur l’activité, parce que les professionnels les perçoivent sans les comprendre ou sans pouvoir les maîtriser ou parce qu’ils n’y voient rien, les ignorent ou les méconnaissent ou encore s’y trouvent perdus.
La conception des formations gagne à prévoir, dans un parcours, la découverte ou redécouverte, par des formes d’enquête conduite par les professionnels eux-mêmes correspond à la prise en charge par les personnes de l’analyse de leur propre travail. Il ne s’agit pas de connaître ces composantes du travail pour s’y conformer. Il s’agit de les découvrir et de les comprendre pour en faire quelque-chose, pour s’y situer et situer son action, pour l’ajuster ou encore pour agir sur ces environnements.

Bibliographie
Loizon, A. 2016. Enseigner et se former dans l’enseignement supérieur. Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation. AgrosupDijon/Université de Bourgogne.
Gagneur, C.-A. 2010. Rencontres et interactions au travail, sources de développement. Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation. AgrosupDijon/Université de Bourgogne.
Chakroun, B. 2009. La validation des acquis de l’expérience, une situation potentielle de développement. . Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation. AgrosupDijon/Université de Bourgogne
Oueslati, A. 2010. La reconnaissance culturelle, trame de fond des mécanismes de transposition professionnelle et didactique dans le travail de vulgarisatrices agricoles, auprès de femmes rurales en Tunisie. Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation. AgrosupDijon/Université de Bourgogne
Holgado, O. 2011. Analyse didactique de l’activité en formation professionnelle. Le cas de l’apprentissage des systèmes d’information géographique. Thèse pour le doctorat en sciences de l’éducation. AgrosupDijon/Université de Bourgogne
Kerbrat-Orecchioni, C. 1990. Les interactions verbales, Tome 1. Paris, Armand Colin.