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Mieux assumer les paradoxes d’une formation professionnelle et universitaire des enseignants d’éducation musicale : analyse de quelques « notions fondamentales » au regard des idéologies de la nature-source

Laurent GUIRARD

Il y a aujourd’hui pas mal de temps que des ouvrages universitaires ont commencé à questionner les situations d’apprentissage musical à partir des outils mis à dispositions par les sciences humaines et sociales1. Pourtant, il ne semble pas que les situations concrètes d’enseignement aient, sur le terrain, totalement intégré ces apports. Il semble même que ces ouvrages, lorsqu’ils sont bien diffusés, n’influencent pas ou pas directement la problématisation des enseignants.

Ce manque d’interaction tient-il seulement à leur faible diffusion  au regard des produits directement formulés pour répondre aux demandes des enseignants ? Relève-t-il d’un manque de passerelles interdisciplinaires ou, comme il est d’usage de dire aujourd’hui, d’un manque de médiations entre les problématisations théoriques de multiples chercheurs (qui ne s’accordent évidemment pas entre eux !) et les questionnements didactiques concrets des enseignants? Tient-il au statut d’extériorité (légitimante mais inopérante) qu’une demande de justification théorique universitaire leur confèrerait au regard des pratiques d’enseignement/apprentissage et au terme de certaines formations professionnelles des enseignants (où le chercheur n’est souvent qu’un intervenant ponctuel) ? Souffriraient-ils d’une incompréhension même de cette différence des différents points de vue ? Et chercheraient-ils ensuite comme le déplorait Bachelard à traduire trop rapidement des besoins de connaissance en connaissances ? Les objets, les sujets et leurs interactions seraient-ils empêtrés dans des boucles causales et critiques modernes dont la construction et la déconstruction occuperait, dans leur tour de Babel, des gens certainement très doctes mais finalement pas très utiles quand on doit faire cours ?

Les esprits semblent avoir évolué (on n’invoque plus aussi confortablement le don ou la vocation d’un côté, et la possibilité de tout construire ou réformer de l’autre), mais les dispositifs didactiques que l’on retrouve concrètement dans les classes semblent rester à l’abri de cette évolution. En éducation musicale, cette évolution semble donc surtout creuser un écart entre le dire et le faire. Et cet écart semble moins alimenter la dynamique didactique idéale d’une construction de savoirs vivants tendus entre la recherche et les pratiques de classe, qu’engendrer une surenchère de discours et de faux problèmes pédagogiques, qu’entretenir des sources d’incompréhension et de raidissement disciplinaire.

La question serait alors : par où commencer à faire ?

Par où commencer à faire ?

Doit-on chercher à convaincre, à séduire, à faire des « coups explicatifs » ?

Il existe dans l’histoire de l’art une tradition solide de valorisation des œuvres par des métalangages les faisant briller en dévoilant certaines de leurs ressources, de leurs origines ou de leurs niveaux de lectures possibles (c'est-à-dire proposant une interprétation, supplémentaire dans le cas des arts performatifs, et qui sera portée par des mots au service des œuvres). Le degré zéro de ce métalangage valorisant est probablement le biographisme hagiographique tel qu’il fut promu par l’individualisme romantique et qui postule que la plus grande œuvre de tel ou tel créateur serait son Œuvre, c'est-à-dire sa vie même. Cette attitude est largement répandue dans les classes comme dans les familles par un imposant matériel pédagogique qui va des collections Untel, sa vie son œuvre aux livres-disques Untel raconté aux enfants.

Il y a plus de dix ans, j’avais travaillé à démontrer les effets néfastes sur la motivation à apprendre que provoquent, à partir de 10-11 ans, de telles comparaisons d’aptitudes, interpersonnelles et biaisées (Guirard 1998). Mais ce ne serait pas rendre grâce à d’excellents travaux d’esthétique comme d’histoire de l’art que de réduire l’intérêt de l’analyse à de telles stratégies. Les questions qui se posent ici relèvent en fait surtout la transférabilité, de l’ajustement, de la pertinence épistémologique ou du caractère normatif de telles positions à l’égard du rapport au savoir particulier d’élèves en situation d’apprentissage et du référent universitaire qu’elles supposent (surtout s’il s’agit de positions séductrices non questionnées épistémologiquement et didactiquement). Dit autrement, il n’est pas question de condamner en général la porte d’entrée biographique des œuvres (c’est là un travail d’esthétique méritoire mais hors de propos) ; il s’agit seulement de préciser, en fonction de l’âge, de la perspective ou du contexte d’usage, quels en sont l’effet et la valeur didactique.

Un second point tiendrait à la position d’intercession d’où parle la personne qui livre ainsi son interprétation. S’agit-il d’un artiste, d’un chercheur, d’un chercheur-artiste, d’un artiste-chercheur, d’un amateur passionné, d’un enseignant faisant figure d’autorité ?

Cette question délicate mérite en soi d’être au moins posée car une telle position suppose une attitude de proposition, parfois séductrice ou peu négociable dans ses argumentations, et qui relève d’un type d’action réprouvé en droit par la démarche scientifique – laquelle, selon le jeu de mots de Lacan, ne vise pas à vaincre (con ou pas), c'est-à-dire à gagner confusément une adhésion chez l’autre. Et il ne s’agit absolument pas ici d’une condamnation mais d’un questionnement : dans la perspective opposée, la neutralité axiologique telle qu’a pu la définir le sociologue Max Weber est-elle toujours applicable (en droit aussi, et en tant qu’entrée dans le faire) à l’éducation artistique ?

L’approche compréhensive est-elle possible et institutionnellement viable en musique ?

Après avoir discrètement utilisé plus haut le terme d’intercession, il est difficile de ne pas achopper ici avec un autre très lourd et très compliqué problème : lorsque quelque figure divine communément admise vient soutenir la valeur du musical, ce dernier n’a aucun souci à se faire (au moins quant à le reconnaissance de son utilité sociale). Même si la musique fut débarquée du champ scientifique avec la fin du quadrivium médiéval, elle n’eut aucune difficulté à se faire valoir par beaucoup de monde comme une et impénétrable en invoquant diverses (pseudo-)explications globalisantes qui, tout en se gardant de déplier quoi que ce soit dans son affaire, renvoyaient au final son pouvoir à l’effet de quelque mathesis universelle désormais obsolète. Le problème tient donc plutôt ici à l’évolution de notre épistémè générale, c'est-à-dire à l’émergence de nos formes modernes de savoir et d’explication du monde en regard du musical c'est-à-dire dans l’analyse critique des béquilles métalangagières que lui imposent souvent ses modes les plus répandus de valorisation ou de didactique. Avec la fin de l’âge classique, on abandonne en effet aussi l’époque des analyses homogènes et cohérentes d’un ordre naturel, on s’éloigne des systèmes de taxinomie permis par des représentations qui se représentent elles-mêmes (et qui peuvent ainsi conduire à quelque mathesis universelle) : le langage, le vivant et le besoin (qui tiendront avec le romantisme un rôle prééminent) s’affranchissent de la représentation (Foucault, 1966, p. 222). Et cet affranchissement, que Michel Foucault situe chez Sade, n’est évidemment pas sans risque : « à partir de lui, la violence, la vie et la mort, le désir, la sexualité vont étendre au dessous de la représentation, une immense nappe d’ombre que nous essayons maintenant de reprendre comme nous pouvons, en notre discours, en notre liberté, en notre pensée. Mais notre pensée est si courte, notre liberté si soumise, notre discours si ressassant, qu’il faut bien se rendre compte qu’au fond, cette ombre d’en dessous, c’est la mer à boire » (op. cit. p. 224).

Et si c’est à cet endroit, et dans le dessein d’échapper à cette tâche, qu’est intervenue l’exquise aménité évocatrice des métaphores musicales, la didactique musicale devra non seulement boire la mer mais encore continuer à hydrater ses amateurs passionnés. Trouver le langage qui exprimera au mieux tel sentiment ou tel désir de l’homme n’est en effet pas une tâche moins difficile que de porter le mystère d’une nature unifiée par quelque supposée loi divine. Sur ce point (le baume hydratant moderne pour individus en passe de morcellement ou de désenchantement) intervient une curieuse invention moderne que nous détaillerons plus bas et dont l’écho sera particulièrement fort chez les musiciens : l’idée d’une nature source combinant à la fois les apports incontestables des sciences expérimentales nouvelles, les desseins globalisants de l’« ordre naturel » classique et le charme éducatif du « sentiment naturel » rousseauiste.

C’est à mon sens en cela que se situe le problème majeur d’une formation professionnelle universitaire des enseignants de musique qui doit relier les deux extrémités d’une chaîne désormais discontinue : d’un côté, des savoirs et des modes d’explication qui ne peuvent faire l’économie de l’influence générale des sciences humaines et sociales et, de l’autre côté, un discours explicatif ou didactique de terrain qui voudrait bien faire l’économie ou qui ne peut matériellement assumer, tant dans ses actions que dans sa légitimité voire son identité, l’énorme complication qu’apporte cette prise en compte des sciences de l’homme et de la société (SHS) au regard des traditions didactiques les mieux répandues et des nouveaux desseins expressifs issus du romantisme.

Le problème qui semble ici posé est celui d’un écart qui se creuse entre d’une part les moyens intellectuels aujourd’hui requis par une réflexion didactique sur les pratiques d’éducation musicale et, d’autre part, le temps ou les moyens mis à disposition des praticiens pour y accéder. A cela s’ajoute la faible utilité perçue d’une démarche aussi lourde lorsqu’elle peut être mise en concurrence avec une myriade de réponses et de méthodes, souvent plus compatibles avec des introspections forcément boulonnées aux traditions explicatives du milieu, mais tellement plus apaisantes, faciles d’accès et pas toujours dépourvues de quelque crédit universitaire.

L’institution est le poumon et l’oxygène d’un insaisissable objet musical. Mais est-elle pensée, dans sa dynamique interne, son épistémologie ?

Vient donc ici, last but not least, un dernier problème : selon Hennion (1993, pp. 294-296) « La densité institutionnelle du milieu musical, aussi nourrie qu’est pauvre le discours sur la musique, renvoie à la fragilité de l’objet sonore. (…) Il n’y a jamais de musique, il n’y a que des montreurs de musique ». Or, si l’institution est ce qui fabrique l’objet musical, l’institutionnalisation est aussi précisément ce qui constitue le maillon faible des constructions interdisciplinaires (en musique comme ailleurs). L’accès à des intuitions heuristiques fortes ou fécondes ne peut en effet se faire directement, immédiatement, sans passer par une méthodologie d’origine, sans savoir d’où l’on parle. Une institution de formation interdisciplinaire et compréhensive qui dispenserait des formations brèves et efficientes semble ne pouvoir être qu’un vœu pieux voire une simple escroquerie. La compréhension et l’entrecroisement interdisciplinaire de certains auteurs, aussi fertile qu’ils soient, ne me semble pas reproductible indépendamment du cheminement ou de la lutte de ces auteurs – et même peut-être précisément de leur lutte contre les incomplétudes de leurs disciplines d’origine (Guirard 2010, introduction). Pour bâtir une formation qualifiante, on doit donc passer par la construction préalable, chez le sujet, d’une méthode et d’une identité disciplinaire qui renie temporairement mais précisément les fruits interdisciplinaires qu’elle devrait permettre de porter et de préserver en elle – surtout si cette formation concerne un champ aussi profondément traversé par les besoins, les espoirs et les discours de l’homme que peut l’être la musique et tout particulièrement dans la zone où l’on vante ses desseins supérieurs, c'est-à-dire l’éducation musicale. Ce genre de détour méthodologique (si l’on accepte le pléonasme) est souvent mal admis des étudiants et parfois hélas aussi de leurs formateurs. Elle me semble être un des écueils les plus redoutables de la dimension compréhensive de la didactique musicale.

Faute d’en admettre la dynamique, je crains que l’on prive aussi les savoirs dispensé d’une dynamique qui devrait être préservée jusque dans leur transposition didactique (Perrenoud 1986) et que l’on continue à courir le risque d’un écartèlement communément admis opposant une incessante surenchère intentionnelle des programmes d’éducation musicale et une stagnation des activités pédagogiques concrètes dans une série de démarches et de procédés plus ou moins autonomes dont on ne peut plus saisir le sens ou la portée en terme d’apprentissage spécifiquement musicaux.

Que voit-on ici lorsqu’on est maître de conférences en IUFM ?

Mon premier constat, personnel, est qu’un grand nombre de paradoxes impensés tricotent implicitement les pratiques pédagogiques quotidiennes observées dans les classes, dans les stages et relatées dans les mémoires professionnels.

Le second constat, qui arrive rapidement, est que si leur analyse semble une issue valable, elle reste largement inapplicable ou illusoire dans les cadres impartis.

Le troisième est qu’il est actuellement impossible d’y rentrer ailleurs que dans ces cadres et qu’il faudrait d’urgence impulser une recherche universitaire en didactique de la musique pour éviter que la délégation universitaire actuelle des formations professionnelles en éducation musicale ne vienne simplement donner un coup de vernis à une didactique académique qui sera prise, d’autant plus inévitablement, entre des surenchères de bonnes intentions servant à justifier la place toujours fragile de l’éducation musicale scolaire, et l’administration tout aussi inévitable de recettes de terrain qui confondent souvent objectifs et démarches (faute de pouvoir être appréhendée, dans une perspective critique fondée sur un référent externe, à travers la complexité de leur sens ou de leurs paradoxes).

Lors de ma présentation audiovisuelle, j’avais commenté en deux temps une série d’illustrations extraites des ouvrages les plus usés de mon centre de ressources documentaire. C’est là un fait connu : les professeurs d’école stagiaires usent moins les livres qu’on leur conseille éventuellement que ceux qui leur servent à préparer la séance qu’ils doivent réaliser dans l’urgence. Dans un premier temps, j’ai proposé une série d’intrigues possibles portées par ces images et dans un second temps j’ai proposé une grille de lecture des mêmes images en m’aidant d’un outil emprunté à un philosophe de l’éthique : Charles Taylor.

Pour des questions de droit d’auteur et de transcription écrite de mon intervention, je procéderai ici différemment. Je me contenterai d’une description succincte de ces images (qui sont assez communes pour être facilement retrouvées dans nombre d’ouvrages pédagogiques) et je présenterai d’emblée les éléments théoriques qui fondent mon analyse des modes de représentation et de pensée du musical implicitement utilisés par ces images. En d’autres termes, après l’exposé d’un outil explicatif dont la méthode se situe dans l’épistémologie des représentations sociales courantes, je travaillerai une sélection d’images d’Épinal, pédagogiques ou explicatives, que je prendrai au pied de la lettre pour voir ce qu’elles racontent, pour essayer de retracer les parcours explicatifs ou idéologiques qui les sous-tendent, elles et leur usages.

Le tournant expressiviste du XVIIIe siècle complique les demandes d’alchimie sociale

Dans ce qu’il tient pour son ouvrage majeur (Taylor 1989), le philosophe moraliste Charles Taylor analyse les difficultés posées à chacun d’entre nous comme à la société dans son ensemble par certaines évolutions et contraintes épistémologiques imposées par la formation d’une identité moderne. Parmi ces évolutions, il convoque plusieurs notions utiles pour éclairer les représentations sociales sous-jacentes au statut éthique de la musique dans l’éducation musicale (le tournant expressiviste du XVIIIe sc ; l’idée de nature-source, le recours à des valeurs « périmentes » ou hyperbiens).

Voyons d’abord le basculement partiel des questions d’éthique dans la sphère de l’esthétique désigné sous le terme de tournant expressiviste.

Ce basculement suppose que l’individu découvrira lui-même un certain nombre de valeurs que seuls portent désormais des sentiments (nous l’avons déjà évoqué : si la question du désir de l’individu émerge, elle périme forcément les systèmes de représentations statiques et globalisants de l’époque classique où ces notions étaient non avenues). Ce basculement supposera aussi que l’expression en retour de ces sentiments par l’individu sera le gage du fait qu’il les a non seulement intégrés mais qu’il sait aussi les utiliser socialement pour définir tant son identité singulière que son appartenance sociale.

Pour bien comprendre comment cela fonctionne, prenons l’exemple d’une valeur républicaine incontournable, inscrite au fronton des mairies autant que des écoles : la fraternité.

Ce mouvement qui me porte hors de moi vers mon semblable est d’emblée bien plus difficile à définir au regard de la loi ou du droit que les deux autres termes, liberté et égalité. Comme le rappelle l’article premier de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, il renvoie d’abord à un esprit (les être humains doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité). Et cette chose intangible, à la fois publique et privée, renvoie à une dynamique temporelle où se joue, de même qu’en musique, un rapport à la mort et au désir de l’homme (bis repetita : c'est-à-dire précisément à ce que les anciens systèmes de représentation unifiés ne pouvaient ni intégrer ni décrire). Pour reprendre le titre et le thème du récent ouvrage de Régis Debray (2009), il y a eu dans l’histoire des moments fraternité qui, selon leur contexte, ont autant nourri l’espoir de paix que fait couler le sang.

L’utilisation sociale et éducative du sentiment de fraternité ne peut donc faire l’économie de certains paradoxes. Le principe d’empathie qui le porte renvoie historiquement autant à la laïcité des droits de l’homme (ancrée dans la pitié des lumières et dans l’idée rousseauiste d’un mouvement vers l’autre lui-même fondé sur une nature foncièrement bonne avant d’être dépravée2) qu’à la piéta catholique (ancrée dans le culte marial depuis la contre-réforme et, par delà, dans nombre d’œuvres d’art majeures qui lui furent liés).

Sur le plan des traditions et des représentations sociales qui influencent inévitablement la didactique, on devrait préciser avec Danièle Cohn (1997) combien l’éthique et l’éducation passent ici par une mise en fable provoquant l’éprouvé, par une épiphanie profane : une inclinaison purement sensible, plus physique qu’intellectuelle, transformation du sensible vers la pensée où la valeur devient sentiment, comme par une condensation chimique.

Face à cette transformation nécessaire mais insaisissable, l’aménité politique et l’apparent mystère des métaphores musicales portées par des discours non-critiques, ajoutées à l’esprit de litote qui caractérise la musique (Jankélévitch), il n’y aura pas de quoi s’étonner que l’éducation musicale devienne un terrain d’expression privilégié pour de telles demandes d’alchimie sociale. A cela s’ajoute le développement de la figure de l’artiste dans les hiérarchies et les fonctions sociales post-révolutionnaires3, ainsi que le poids que les progrès scientifiques majeurs du XIXe sc. donneront à une vision moniste et matérialiste de la nature dans laquelle la recherche sur la perception de la musique s’orientera durablement (de la Motte-Haber, 1994)

La porte d’entrée illusoire d’un « monde sonore » aperçu dans quelque Nature source

Cette dernière complication moderne mérite une explication : la nature dont va se draper le discours paramusical n’est ni la nature décrite par les systèmes de représentation – unifiés mais rappelons-le périmés – qui courraient depuis les cosmogonies antiques jusqu’aux taxinomies pré-modernes, ni la simple nature charmante et salvatrice dont le chant berce la Nouvelle Héloïse autant que le discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité. C’est une nouvelle idée de nature, susceptible de relier les contributions des scientifiques, des poètes et des tribuns, afin de proposer – en très gros – de nouveaux mythes fondateurs à notre affaire moderne de sentiments. Charles Taylor la désigne par la notion de nature source[4]

Cette acception de la nature est éminemment problématique pour le pédagogue : « les théories expressivistes de la nature-source développent (…) leur propre conception de l’histoire et des formes narratives de la vie humaine, à la fois du point de vue de la vie individuelle qui s’engage dans la découverte de soi et de celui de l’intégration de cette vie dans l’histoire de la vie humaine » (Taylor, 1989. p. 487). Cela débouche selon Taylor à la fois sur une spirale aliénation passée/libération future et sur une nostalgie de temps anciens qui s’accompagne d’un sentiment pessimiste de décadence irréversible du monde (ibid.).

Or, l’idée de Nature-source inspire manifestement les travaux de psychophysique qui, au XIXe sc, apporteront des éclairages acoustiques et physiologiques à la connaissance de notre perception musicale. Ce corpus de savoirs scientifiques de référence, censés expliquer certains phénomènes originaires de notre activité musicale et traditionnellement convoqués pour justifier des choix esthétiques, s’inscrit (selon les termes de la musicologue Helga de la Motte-Haber 1994) dans une aspiration romantique épistémologiquement biaisée à matérialiser la métaphysique. L’apport incontestable des recherches de H. von Helmholtz5 n’offrira ainsi trop souvent qu’un argument supplémentaire à d’anciennes formes de questionnement déjà solidement ancrées au sein des traditions explicatives les plus appréciées et répandues au sein du milieu musical (l’approche pythagoricienne, les traités d’harmonie de Rameau et, plus récemment l’approche acousmatique dont l’influence en matière de pédagogie musicale est, comme nous le verrons, toujours forte).

C’est ici que le bât blesse : comment allaient s’accoupler des savoirs scientifiques de référence qui travaillaient à décrire par la physiologie et l’acoustique les phénomènes originaires de l’écoute musicale, avec des savoirs pédagogiques censés eux aussi éclairer avec une lorgnette moderne la psychologie des apprentissages donc, en premier lieu, la façon dont s’acquièrent et se développent les conventions et les constructions symboliques signifiantes qui structurent le langage musical ? J’avancerai l’hypothèse que cet accouplement a surtout alimenté une forme d’escamotage des phénomènes ordinaires d’acculturation inscrite au cœur même de la préoccupation romantique pour la nature source, un escamotage qui a très logiquement fini par nous promettre ici aussi une improbable alchimie sociale, une sorte de nostalgie du futur6 esthético-pédagogique, un ailleurs culturel magique où l’on serait expressivement plus libre sans avoir à faire son deuil de l’unité perdue de la mathesis universelle, et sans avoir à assumer l’ancrage nécessaire du langage dans un ensemble de contraintes socio-historiques et psychologiques dont l’inertie dépasse les acteurs pris individuellement et dont l’acquisition n’a, dans la réalité des faits observables, pas grand-chose à gagner en évoquant une transmutation alchimique. Dit autrement, dans sa confusion entre la nature humaine et la nature-source, la pédagogie musicale allait en fait supprimer la distance et l’énorme travail culturel qui séparent de fait le sonore du musical, l’acoustique ou la physiologie, du langagier.

Pourtant, dès 1958, en lecteur attentif de Helmholtz (et contrairement aux parangons pédagogiques contemporains de ce dernier), le psychologue Robert Francès, rappelait comment Helmholtz avait pressenti que ce fantomatique référent naturel était « la manière dont l’âme vibre sous l’effet des sentiments » et non les sentiments en soi – sentiments dont l’étude psychologique de notre perception musicale n’avait retrouvé au XXe siècle ni les nuances, ni quelque traduction musicale systématique (Francès 1958, p. 339).

Le tournant expressiviste convoque une notion troublante épistémologiquement : les hyperbiens

Au centre de cette question se trouve le statut épistémologiquement troublant de ce vers quoi une modernité devenue individualiste et expressiviste nous oriente et que Taylor définit par la notion d’hyperbien : « l’hyperbien se présente comme un bien qui remet en question et déplace les autres. Dans une vie morale où figure un hyperbien, nous sommes capables de nous élever d’une conditions « normale », « originale », « primitive » ou « moyenne », dans laquelle nous nous orientons d’après un certain nombre de biens que nous reconnaissons tels, vers la reconnaissance d’un bien qui possède infiniment plus de dignité que ceux-ci. L’adoption de ce bien et l’amour que nous lui portons nous font réévaluer les autres. (…) [Sortant ainsi de la contemplation platonicienne du bien et de la sanctification chrétienne de l’amour de Dieu] Nous avons l’impression de nous arracher des ornières de coutumes irréfléchies et de devenir citoyens d’une république plus vaste, d’un règne des fins.

Le fait même que la perspective définie par un hyperbien implique notre transformation, qu’on qualifie de « développement », de « sanctification » ou de « conscience supérieure » et qu’elle implique même que nous rejetions les biens antérieurs, est ce qui la rend si problématique. Elle l’est d’emblée parce qu’elle met en question et en balance ce que comprend la morale « ordinaire », « rétrograde » ou « primitive ». Ce combat, ce désaccord, cette absence apparemment insurmontable d’unanimité à propos des hyperbiens a toujours été une grande source de scepticisme moral. Cette inquiétude perpétuelle renforce bien sûr la réaction naturaliste. Qui peut dire que les critiques, les tenants d’une morale « supérieure » ont raison contre la conscience « ordinaire » ou l’homme sensuel moyen. Cette méfiance s’est renforcée dans le monde moderne à cause de ce que j’ai décrit (…) comme l’affirmation de la vie ordinaire. »

(Taylor, 1989, pp. 100-101)

Or, les fruits que promeuvent les instigateurs des politiques publiques d’éducation musicale pour justifier de quelques subsides, ne relèveraient-ils pas, sur le plan éthique et épistémologique, de ces hyperbiens ?

Peut-on concilier individualisme expressiviste et Kulturarbeit ?:

Pour le sociologue Pierre-Michel Menger (2005, 2009) les conceptions introduites par ce tournant expressiviste et individualiste conduisent à un antagonisme ingérable dans notre définition de la notion de culture : tantôt la culture serait vue aujourd’hui comme une force civilisatrice « capable de mettre l’imagination et l’invention humaine au service d’un progrès collectivement émancipateur », tantôt elle apparaîtrait au service « de l’intériorité et du développement personnel des êtres » auxquels elle offrirait une puissance d’expression et de singularisation (Menger, 2005, p. 42).

Les objectifs d’éducation dans le domaine de la culture renverraient donc à deux sphères incompatibles et pourtant tout aussi incontournables l’une que l’autre depuis la fin du XVIIIe siècle : l’une rêve de fraternité par l’égalité, l’autre d’excellence par l’intériorité ; l’une aspire à la construction d’une communauté solidaire, l’autre aux promesses d’une transcendance individuelle.

Pour Menger, le déni ou l’escamotage de cet antagonisme de valeurs et d’aspirations dans la définition de la culture expliqueraient, de nos jours, la plupart des difficultés propres aux relations entre art et politiques culturelles.

Le même programme, la même intention, la même personne voire la même séquence poursuivraient donc en même temps, et dans un paradoxe culminant qui prétendrait les intégrer, à la fois l’objectif du singularisme expressiviste (excellence par l’intériorité, transcendance expressive et sentimentale immédiate) et l’objectif d’un progrès éducatif collectivement émancipateur (communauté solidaire soudée par des références communes).

On trouverait alors, dans un même mouvement devenant forcément insaisissable, à la fois une déférence à l’égard de chefs d’œuvres auxquels on devrait une sorte de culte laïque (Snyders 1999) et une dilution pan artistique généralisée de l’éducation culturelle, laquelle serait bien incapable de retenir l’expérience esthétique fondatrice d’une dissociation de soi et de l’Autre que l’on peut éprouver dans la relation esthétique à une oeuvre (Boudinet 2006, Dufour 2003) ; laquelle serait, en d’autres termes, bien incapable d’offrir cette sublimation de l’énergie pulsionnelle et ce garde-fou du narcissisme où Freud (1933) situe l’effet individuel et social de la culture (Kulturarbeit).

Retour aux images d’Épinal pédagogiques

C’est ici que pourrait commencer l’analyse de la série d’images d’Épinal de situations ou d’activités musicales par lesquelles j’ai introduit mon exposé. Il est évident que le jeu d’intrigue et la masse de commentaires rendus possible par l’exposé oral ne pourra apparaître ici et que le lecteur devra aller rechercher ses propres images dans ses propres manuels afin d’en retirer ses propres interprétations en s’aidant éventuellement des repères pointés plus haut.

Une seule question demeure : est-on toujours attentif et suffisamment outillé face à tout ce que véhicule la plus petite figuration de notre insaisissable – mais si efficace – objet musical sur les plans idéologiques, politiques, épistémologiques, historique, éthique, etc.

Figuration des référents musicaux et idéologies

L’opposition entre les deux conceptions culturelles évoquée ci-dessus était introduite par l’opposition de deux clichés. D’un côté, une photographie de la scène du Palau de la mùsica catala de l’architecte espagnol Domènech i Montaner : côté jardin, le buste du chef de chœur Anselm Calvé est placé au centre d’une flore luxuriante digne de l’école de Nancy (et probablement pas étrangère aux questions, alors très rebattues, des phénomènes originaires et de leur régénérescence) tandis que lui fait face coté cour, quelques mètres en contrebas, le buste de Beethoven placé seul parmi un environnement bien plus austère. A cet exemple de l’organisation hiérachico-idéologique d’une mise en scène plastique de l’histoire de la musique en général et de l’Orfeo català en particulier, j’opposais la figuration d’un sommet de l’égalitarisme pédagogique, une photographie extraite d’une plaquette publicitaire vantant il y a quelques années les mérites d’un centre de formation d’intervenants musicaux : la photographie représentait une classe où un intervenant musical assis en tailleur animait, au milieu de jeunes enfants (probablement élèves d’une école maternelle) assis de même autour de lui, une séquence de musique. Les enfants avaient chacun entre les mains des instruments à percussion (d’origines africaine et sud-américaine) et la présence d’un surplus d’instruments en arrière plan pouvait indiquer qu’ils les avaient librement choisi. Un fort échange de regards attentifs entre les enfants et l’intervenant, ajouté à la gestuelle expressive de ce dernier, laissaient entendre qu’ils n’étaient pas dans une séquence de travail de détail ou d’exploration mais qu’on voulait montrer qu’ils jouaient tous ensemble. L’âge des enfants, la tenue des instruments et l’absence de support écrit laissaient penser que l’on s’adonnait plutôt à une sorte d’improvisation collective guidée par un résultat sonore.

Ces deux illustrations étaient l’une comme l’autre farcies d’idéologies tacites et porteuses d’idéaux éducatifs peu compatibles. Le commentaire rappela les définitions des bénéfices culturels sous-jacents à ces deux représentations, en particulier l’antagonisme irréductible pointé entre d’une part une expression individuelle artistisée mais immédiate (portée par des idéologies paradoxales soutenant la possibilité d’une création spontanée) et le bénéfice collectivement émancipateur d’une culture fondé sur la référence à des œuvres et/ou à des techniques préexistants (admettant la médiation de phénomènes d’apprentissage et d’acculturation latents, mais soumis au feu des réformateurs de tout poil).

Du sonore au musical sans passer par le langage

L’idée d’une expression spontanée de l’individu était également pointée dans une série d’illustrations tirées des Jeux musicaux du compositeur Guy Reybel. Ces pages plaçaient côte à côte des paysages naturels et des adultes impliqués dans une gestuelle expressive.

En posant que l’expressivité musicale et la nature (telles que figurées par cette série de photographies) seraient directement liées, quelle place peut-on accorder aux apprentissages cognitifs ou sociaux souvent non-conscients ou portés par des représentations et des rapports aux savoirs dont on saisit rarement l’influence et l’origine ? Quelle place peut-on accorder aux phénomènes d’acculturation et de restructuration des cadres de la perception et de la pensée qui seront inévitablement liés à l’appropriation d’un langage, musical ou pas ; et par la suite quelle sera ou ne sera pas la prise en compte didactique des restructurations et des obstacles cognitifs réels que suppose une telle appropriation ? On sait en effet depuis longtemps que l’association d’un stimulus auditif à d’autres modalités perceptives et cognitives (visuelles, kinesthésiques, verbales, lexicales, symboliques, etc.) a un effet aussi certain que complexe et débattu sur la perception, la mémorisation ou la production musicales (voir par exemple les contributions respectives de J. Dowling et de E. Bigand in Guirard (ed.) 2010). On ne devrait donc plus se contenter par exemple ici de considérer comme un travail didactique, une glose introspective sur la forme et l’usage des partitions qui ne tiendrait pas compte de ces recherches (même si elles nécessitent un réel décentrement des traditions explicatives et des besoins rapides de connaissance du milieu, pour saisir les cadres dans lesquels elles sont établies).

Ces figurations de créations spontanées en lien avec dame nature (qu’il s’agisse d’étangs, de troncs d’arbres ou des postures expressives du corps humain) offrent en fait une exacte illustration des idéologies de la nature source dont l’origine et les inconvénients épistémologiques ont été évoqués plus haut. Les passerelles didactiques qu’elles tentent d’établir entre nature et expression, dans une position expressiviste de création spontanée, semblent peu propices à une didactique critique où les apprentissages de l’élève pourraient être identifiés, pensés, isolés et évalués. On a donc plus de chances de rencontrer ensuite des aspirations pédagogiques idéalisées quant à leurs objectifs ou à leurs bénéfices, principalement portées par des métaphores qui frôlent la pensée magique (les demandes d’alchimie éducative et sociale évoquées plus haut).

Mais il s’agit moins de condamner une posture pédagogique que de comprendre ce qui l’a instituée et maintenue au centre de tant de pratiques d’éducation musicale. Ce que je souhaitais démontrer en convoquant des problématiques esthétiques et éthiques à mon analyse, c’est qu’une telle demande d’alchimie éducative et sociale découle elle même de positions esthétique solidement ancrées dans nos systèmes de goûts et de valeurs, et qu’une didactique critique gagnerait à ne pas faire naïvement l’économie des paradoxes que cet ancrage culturel suppose. En accordant une telle place au sentiment, et à ses manifestations, on se lie forcément à un composé épistémologiquement trouble que l’on aura ensuite bien du mal à analyser et à situer. Lorsque son origine épistémologique est historiquement portée par des métaphores telles que la condensation chimique (c'est-à-dire un changement d’état expliqué par les caractéristiques physiques de la matière et de l’environnement) il faut simplement en tenir compte et préciser les enjeux et les risques que cela suppose sur le plan de la didactique.

Comment concilier les aspects continus et discontinus des apprentissages musicaux dans une décomposition pédagogique.

Penser la réalité des multiples formes d’apprentissage comme un processus linéaire et cumulatif reviendrait à étendre une conception béhavioriste des modes d’apprentissage dans un domaine où elle n’est peut-être pas tenable. Chercher une restructuration brusque des cadres de pensée au terme de conflits cognitifs dans un domaine où les apprentissages cognitifs implicites et où les aspects sensori-moteurs sont majoritaires pourrait également relever d’une transposition abusive de modèles validés dans des domaines de connaissances plus fortement ou plus uniformément habités par une pensée opératoire et un langage véhiculaire. Cette alternative semble même trop pénétrée par des opinions qui opposent en musique un gradus ad parnasum scolaire et des théories qui soutiennent le mystère surgissant et impénétrable de l’inspiration artistique.

La musique est un champ très particulier de l’activité musicale. Ce n’est pas pour autant qu’elle peut, en droit, échapper à une tradition épistémologique générale et fertile qui consiste à étayer temporairement les nouveaux champs de recherche par des emprunts méthodologiques à des champs plus avancés dans leurs corpus de recherches. Ainsi, la didactique de l’éducation musicale peut temporairement s’inspirer de la didactique des savoirs fondamentaux. Ainsi, il n’y a rien de choquant à la penser à travers des modèles et des outils validés hors de son champ. Mais il faut dans ce cas porter une attention extrême à cette transposition, en particulier au regard des moments et des niveaux où elle s’opère. En effet l’apprentissage musical est faiblement normé et régulé au regard des autres champs disciplinaires : un enfant qui à 4 ans n’aura pas commencé à maîtriser le langage verbal fera l’objet d’infiniment plus d’attention qu’un enfant qui n’aura ni exercé ni développé la moindre compétence dans le langage musical du groupe culturel auquel il appartient. Cette absence de réelle régulation rend les écarts de compétence extrêmes, tant d’un individu à l’autre qu’entre les compétences de perception et de production musicales, que d’un champ d’exercice à l’autre lorsqu’il s’agit de schèmes cognitifs tranversaux7.

Par exemple, lorsque le psychologue Robert Francès (1958) démontra que la prise de conscience de l’unité de la phrase musicale (l’intégration tonale) relevait d’un phénomène brutal (point de condensation), cela ne l’empêchait pas de promouvoir par ailleurs une méthode d’enseignement programmé du solfège. Mais il justifiait ce choix de préséance didactique par une solide argumentation allant de l’étude de la perception de la syntaxe musicale jusqu’à celle des phénomènes de captation visuelle de l’éprouvé musical, qu’il considérait tous deux dans leur épaisseur historique et sociale.

Pourquoi en est-il si rarement ainsi ?

Notions didactiques fondamentales ou moyen commode de se saisir de l’objet musical ?

Lors de diverses négociations relatives à l’élaboration des maquettes de Master dédiés aux métiers de l’enseignement, j’ai pu constater l’intérêt porté par mes collègues à défendre des « bases » indispensables, des « notions fondamentales » dont l’assimilation serait un préalable irréductible à toute éducation musicale sérieuse. En interrogeant une fois encore les livres les plus consultés de mon centre de documentation, j’ai pu constater une grande similitude des approches proposées concernant ces « notions fondamentales » souvent prises comme des impératifs catégoriques au sens kantien du terme (les notions de timbre, hauteur, durée et intensité ; auxquelles s’adjoignent les noms et les caractéristiques de jeu des instruments).

Ici encore, on tend au dessus de la réalité psychologique, sociale et historique du langage musical et des objets techniques qui le servent, une improbable passerelle reliant directement une dimension sonore censée être une voie d’accès bien décrite « scientifiquement » par l’acoustique et la physiologie de l’oreille, et une dimension expressive qui serait au contraire irréductiblement subjective et relative (et dont on pourrait alors gloser et vanter les bénéfices tant individuels que sociaux sans risque d’être jamais contredit).

Une autre vue proposait la lecture d’un texte tiré de l’ouvrage de Claire Renard Le geste musical (1982). Ce texte proposait une analyse des fondements sonores de la musique en invoquant des phénomènes acoustiques expliqués par une référence évasive à Ohm, Fourrier ou Helmholtz puis par une référence au Traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer. La figure de ce compositeur et théoricien, ingénieur de formation, pose bien des questions épistémologiques d’autant plus délicates que ses travaux sont souvent vus comme un fondement scientifique et artistique indiscutable pour un grand nombre d’activités musicales scolaires qui ont trouvé là une réponse pratique aux demandes paradoxales qui leur étaient adressées (Guirard 2009). D’où parle Pierre Schaeffer ? De sa fonction de fondateur et directeur du Groupe de recherche musicale de la Radiodiffusion télévision française ? De sa fonction d’instigateur avant-gardiste d’un mouvement esthétique innovant et convaincant à plus d’un titre ? De la position d’autorité et de succès que sa formation scientifique d’ingénieur lui permettent à l’heure où apparaissent de grandes innovations techniques en matière de traitement et de synthèse du signal sonore ? D’une position d’artiste-chercheur, ou de chercheur-artiste ? De sa fonction de théoricien compositeur voire d’intercesseur d’un nouveau monde musical enfin objectalisé dans un solfège du sonore qui le rendait plus directement accessible voire saisissable dans ses enregistrements comme dans ses sonagrammes ? Les enjeux et les espoirs techniques et esthétiques suscités à partir de cette époque par la musique concrète semblent bien convoqués en tant qu’hyperbiens, capables de périmer sinon les pratiques musicales des français dans leur ensemble, du moins les premières pratiques musicales scolaires supposées libératrices et dont elles constitueraient le fondement (et ce principalement grâce à leur possibilité de rendre la musique moins insaisissable une fois assimilée à un matériau sonore enregistrable et analysable en soi) ?

Une autre vue proposait un extrait d’un paragraphe intitulé « naissance du son » au sein du chapitre « premiers pas » où l’on voyait sur la page de gauche une coupe anatomique de notre oreille et sur la page de droite une série de formes d’ondes acoustiques (Harter, Meunier, Priniotakis et Tacaille. Quelles musiques à l’école ? Paris : Armand Colin, 1990). Ici encore, aucune mention n’était portée dans ces repères supposés fondamentaux aux aspects langagiers de l’acculturation musicale, dont l’étude en psychologie comme en sociologie a pourtant fourni, au cours du XXe siècle, quelques éclairages théoriques autrement plus utiles et pertinents en matière de didactique que les références à l’acoustique ou à la psychophysiologie des sensations reprises également ici. Une dernière vue tirée d’un livre plus récent (Les instruments de l’orchestre Paris : Albin Michel, 2007) illustrait dans un paragraphe intitulé « Qu’est-ce qui définit un son ? » une séquence pédagogique consacrée à la réalisation d’une « contrebassine » dont la corde tendue devant un poste de télévision cathodique devait permettre à l’élève d’intégrer les notions de fréquence et d’intensité (une fois encore définis par leur corrélat physique supposé).

Ici encore se pose la question de la figuration de ce qui constitue la musique (sous entendu, le son, et qu’une télévision devenue simple stroboscope permettra enfin de « voir »). L’analyse des procédés figuratifs de ces livres scolaires témoigne bien de l’insaisissabilité de l’objet musical et des biais didactiques introduits pour surmonter cet obstacle : cet « objet » est appréhendé par une série de métaphores ou d’analogies, parfaitement opérantes mais rarement critiquées en tant que porteuses de telle ou telle représentation, de tel ou tel cadre de pensée, de telle ou telle épistémologie ou idéologie.

Dans mon exposé oral, j’avais évoqué d’autres formes de figurations allant du biographisme agiographique véhiculé par les livres-disques « Untel raconté aux enfants », jusqu’à aux photos exemplifiant une « création musicale » où les enfants frottent des blocs de polystyrène expansé ou frappent des objets métalliques de récupération, en passant par l’invitation à remplir une page blanche bordée de croches sans portées et d’enfants jouant avec des instruments de l’orchestre, avec pour consigne « …écouter pour imaginer / petit poème symphonique / dessine ce que raconte la musique ». Sur ce dernier point j’ai évoqué une confusion entre les fonctions dénotatives et connotatives de la musique. En effet, cette confusion entre les possibilités de dénomination et d’éprouvé du jeune enfant (inscrite au cœur même des programmes scolaires d’éducation musicale, rappelons-le), conduit à un non sens auquel j’opposais une référence au philosophe V. Jankélévitch pour qui l’incompréhensible vocation de la musique reste justement de nous offrir la possibilité d’un expressivo inexpressif : «- C’était un pauvre petit être mystérieux, comme tout le monde… » dit Arkel après la mort de Mélisande. Personne ne l’a jamais comprise, et elle ne se comprenait pas elle même : « Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis… Je ne sais pas ce que je sais. » C. Debussy (livret de M. Maeterlink) Pelleas et Melisande Acte V cité par Jankélévitch (1980, p. 154).

J’ai déjà développé ce thème dans des écrits récents (Guirard 2009, 2010). Inutile d’y revenir ici.

Le langage musical est-il initialement accessible par le sonore ?

Je terminerai donc ma réflexion sur la question de la figuration initiale de la musique par des éléments en rapport avec le son plus qu’avec le langage et travaillant ensuite à plus ou moins escamoter la distance qui sépare ces deux phénomènes hétérogènes.

En convoquant des disciplines comme la physiologie et l’acoustique dans cette présentation des « notions fondamentales » supposées nécessaires à l’éducation musicale, qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette ou pas, on fait un choix didactique : on établit une décomposition, une hiérarchisation et une figuration d’un contenu de savoirs à enseigner. Et ce choix relègue au second plan (voire fait clairement l’impasse) sur bien des connaissances issues des sciences humaines et sociales. J’ai déjà longuement disserté par le passé sur le bénéfice social qu’offrait un recours aux sciences naturelles et une éviction des dimensions sociales et psychologiques irréductibles des phénomènes musicaux (Guirard 1998) : en naturalisant ses emblèmes culturels, un groupe social fragile augmente sa consistance et sa pérennité. Et ceci a longtemps été facilité en musique par une confusion savamment et précocement entretenue entre la notion d’oreille musicale et des figurations anatomiques de notre organe sensoriel périphérique. Ce choix disciplinaire, qui ne saurait aujourd’hui plus être innocent présente, rappelons-le, ensuite l’inconvénient de focaliser l’individu sur l’évaluation interpersonnelle d’attributs prédéterminés et inégalement distribués en termes de dons ou de capacités « d’oreille musicale ». Et cette focalisation qui détourne son intérêt des stratégies d’apprentissage nécessaires à la bonne marche de sa motivation comme de sa réussite (ibid.).

Mais le défaut d’interdisciplinarité pointé ici ne semble pas pouvoir s’expliquer, comme je l’ai longtemps soutenu, par la seule volonté de fonder une culture en « naturalisant » les emblèmes qui la fédèrent. Ici aussi, la marche épistémologique à franchir est bien haute pour passer au-delà d’une musique assimilée au – et figurée par – sa seule dimension sonore. Ici encore, il s’agit d’une mer à boire, d’une discontinuité importante de nos cadres de pensée, rapidement escamotée par l’évidence d’une simple conjonction de coordination placée entre ces jeux sonores et musicaux, évidence dont les idéologies romantiques de la nature source auront creusé implicitement le lit. Or, de cette mer à boire, les utilisateurs de ces jeux sonores n’en ont ni les moyens ni forcément l’envie. Ajoutons à cela que ces activités pédagogiques sonores sont faciles à mettre en œuvre, que leur caractère ludique les rend attrayantes et souvent appréciées des enfants, et qu’elles sont aujourd’hui répandues au point de paraître une évidence qui s’impose d’elle-même, voire une norme pédagogique indiscutable, on comprendra l’intérêt d’une telle situation. Peu importe alors le fait que les enfant n’y apprennent généralement rien au regard de ce qui constitue, pour reprendre les termes de Francès (1958), l’accès à leur langue musicale maternelle c'est-à-dire l’acculturation tonale.

La psychologie cognitive serait-elle une panacée ?

De la psychologie, il en faudrait donc davantage pour comprendre la réalité de ces apprentissages non conscients et irréfléchis impliqués dans notre perception musicale. Mais il serait vain d’en attendre pour autant une solution miraculeuse.

Je conclurai à ce titre mon article par une figuration plus récente – et très célèbre dans le monde de la psychologie cognitive – d’une de ces notions musicales supposés fondamentales : le timbre. Il s’agit de la représentation spatiale tridimensionnelle proposée par Grey et Gordon en 1978 à partir de 16 sons d’instruments réels ou reconstruits après modification de leur enveloppe (c'est-à-dire de leur profil d’intensité entre attaque et extinction). Cette figure montre d’abord bien sûr que les attributs physiques de timbre et d’intensité collaborent dans l’identification d’un « son d’instrument » (élément par lequel on évoque généralement la notion de timbre dans les classes) : un violon auquel on donne un transitoire d’attaque de trompette ne sonnera plus comme un violon. Mais on ne saurait en rester là.

D’abord, on pourrait questionner l’impact qu’a sur la didactique musicale, cette notoriété que confère à certaines recherches la possibilité de produire une de ces figures simples et aisément diffusables que le sociologue et anthropologue des sciences Bruno Latour désigne sous le nom d’inscripteur (Guirard 2003). En musique, de telles figures ont eu en effet une portée considérable (par exemple, celle issue des travaux de Fechner sur la psychophysique des sensations au XIXe où les seuils de perception des sons purs sont représentés en fonction de leur fréquence).

Ensuite, on pourrait se demander si les dimensions de rugosité, d’harmonicité, de distribution spectrale ou d’enveloppe mises en évidence par les travaux de Grey sur la perception des timbres d’instruments constituent un apport de vérité capital au regard de la didactique musicale scolaire ou seulement à l’aune des préoccupations propres à l’Institut de Recherche et de Coordination Acoustique-Musique (IRCAM) au sein duquel elles ont été étudiées.

Enfin, on pourrait se demander si, une fois que ces recherches nous auront permis de commencer à intégrer les multiples interactions qui relient, dans la réalité de notre perception des instruments de musique voire de la musique, ces dimensions qu’une didactique musicale empreinte de physicalisme aurait posées comme indépendantes, il ne serait pas temps de chercher aussi tout simplement ailleurs. L’importance théorique de l’étayage sensorimoteur de l’activité musicale au regard du développement du sens musical, le choix épistémologique d’une perspective où l’intensité expressive serait au moins autant considérée que l’intensité sonore et la prise en compte des très nombreux progrès réalisés dans les méthodes d’investigation des performances musicales, tout cela devrait nous permettre d’aller regarder d’un peu plus largement la dimension temporelle de l’expression musicale. On retrouverait alors bien des connaissances plus favorables aux échanges avec la didactique musicale. Par exemple, on pourrait comprendre comment les effets de saillance perceptive (voice leading) qui qualifient la manière dont un instrument du quatuor ressort à certains moments (parait jouer plus « intensément ») s’expliquent par des anticipations d’attaque de quelques dizaines de millisecondes, lesquelles supposent un contrôle moteur extrêmement fin (donc un apprentissage massif et peu accessible consciemment) ; on pourrait également relever l’usage expressif de certains patterns moteurs/kinesthésiques qui établissement clairement une passerelle entre corps et musique (Friberg, Sundgerg et Fryeden 2000).

Ainsi, un jour peut-être, verrait-on moins d’élèves et moins d’enseignants penser que pour se faire mieux entendre des autres il suffit de tourner le bouton de volume, c'est-à-dire d’augmenter l’intensité sonore, de crier simplement plus fort.

rÉfÉrences bibliographiques

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Sloboda, J. (1985). L’esprit musicien. (tr. fse : 1988) Bruxelles : Mardaga.

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Notice :

Laurent Guirard est maître de conférence à l’université d’Orléans (EI-IUFM) et chercheur permanent de l’Observatoire Musical Français ( EA 206, ED5, université de Paris-Sorbonne Paris IV). Il étudie l’effet des traditions explicatives et des représentations sociales du milieu musical sur les situations d’enseignement et d’apprentissage. Son objectif est de contribuer ainsi à une didactique musicale spécifique qui tienne compte à la fois des différentes recherches issues des sciences humaines et sociales mais aussi de leurs dynamiques d’utilisation ou d’interaction au sein du monde enseignant. Il vient de publier un ouvrage collectif sur l’impact et les conditions d’émergence d’un ouvrage fondateur en psychologie de la musique : 50 ans de psychologie de la musique. L’école de Robert Francès Montauban : Alexitère, 2010.

Ref citation :

Mieux assumer les paradoxes d’une formation professionnelle et universitaire des enseignants d’éducation musicale : analyse de quelques « notions fondamentales » au regard des idéologies de la nature-source Perspectives actuelles de la recherche en éducation musicale Leroy, J .-L. et Terrien, P. (sous la direction de), Paris : l’Harmattan, 2011, 67-86, (ISBN : 978-2-296-44210-5 ; 28€).

1 Francès (1958), Sloboda (1985), Hennion (1988), Colwell (1992), Bamberger (1995), Guirard (1998), etc.

2 Principe qui, chez l’homme, « tempère l’ardeur qu’il a pour son bien-être par une répugnance innée à voir souffrir son semblable » (Rousseau 1754)

3 Après la révolution, la place vacante laissée par le refus des privilèges de sang de l’aristocratie est récupérée, selon la sociologue Nathalie Heinich (Heinich 2005), par une nouvelle figure exemplaire qui conjugue l’individualisme et la construction sociale : celle de l’artiste. Son régime vocationnel, son renoncement aux positions de pouvoir et d’argent, le mystère supposé de son art et de ses aptitudes, s’accompagnent chez lui (dans un mouvement qui obscurcit hélas beaucoup la chose du point de vue des conceptions éducatives sous-jacentes) par la certitude qu’il travaille, qu’il est motivé à être et à faire, c'est-à-dire qu’il ne se contente pas, selon l’expression de Beaumarchais, de se donner la peine de naître.

4 Le concept de nature-source renvoie au mouvement unissant, au XIXe siècle, artistes, scientifiques et philosophes dans la quête d’un référent générateur à la nature humaine. Il a souvent recouru au musical, tant dans sa quête scientifique qu’esthétique. Par exemple,. les Gurre lieder de Schoenberg qui lient une fascination pour la nature portée par le poème Digte du poète-botaniste J.-P. Jacobsen, et des sonorités rappelant les sons purs utilisés par les psychoacousticiens de l’époque pour étudier notre perception musicale à travers notre sensation de consonance harmonique.

5 En particulier son ouvrage de 1863 dont le titre à lui seul vaut explication du programme : Sur la sensation du son comme base physiologique de la théorie de la musique.

6 J’empreinte ce terme à l’historien des religions Jean Delumeau qui l’utilise pour décrire une forme paradoxale de foi et de promesse en un monde meilleur qui marque le programme de toutes les utopies sociétales, depuis l’eschatologie chrétienne jusqu’à l’homme nouveau communiste.

7 Voir par exemple le retard observé dans la perspective piagétienne des schèmes d’ordre et de relation d’ordre par M. Imberty (1969) entre le domaine verbal et musical.

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Commentaires

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    Désolé : le "billet" est parti par erreur tandis que je tentais de nourrir ma page perso.

    Et je ne sais pas comment le retirer... Mes plus plates excuses

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