L'association recherches et pratiques en didactique professionnelle a la douleur d'annoncer le décès de Gérard Vergnaud, professeur émérite au CNRS de Paris.
RPDP souhaite en tout premier lieu présenter ses condoléances à sa famille et à ses proches. Nous rendrons un hommage à l'homme et à son oeuvre prochainement lors de l'une de nos initiatives.
Gérard Vergnaud, à la source de la didactique professionnelle
Bien sûr, la didactique professionnelle est la création de Pierre Pastré, mais l’influence de Gérard Vergnaud et son rôle dans l’installation et le développement de celle-ci dans le paysage scientifique et professionnel est considérable, et le terme n’est pas excessif. A partir de la fin des années 1980, il étend son champ d’intérêt, ses recherches et ses écrits au vaste domaine de la formation des adultes, de la formation et de l’enseignement professionnel.
Comme le montre la diversité des domaines et thèmes des thèses qu’il a encadrées, Gérard Vergnaud était curieux de tout et percevait rapidement l’intérêt des problématiques proposées par ses candidats doctorants : intérêt scientifique et intérêt pragmatique, éducatif et professionnel, associés. Ce faisant, c’était à chaque fois l’édifice théorique qu’il avait constitué qu’il remettait à l’épreuve, sans crainte. Il avait rappelé à quelques reprises qu’il avait élaboré sa théorie des schèmes et des champs conceptuels pour répondre à des questions et problèmes d’apprentissage des mathématiques, affirmant ainsi une position pragmatiste qui n’était pas, dans les années 1980, soutenue par tout le courant actuel d’intérêt pour Dewey, James ou Peirce. Gérard Vergnaud citait souvent la phrase de Dewey : rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie. Il s’est avéré que la théorie qu’il proposait pouvait être pratique pour explorer et comprendre, puis trouver des solutions à des questions et problèmes d’apprentissage et de formation professionnelle. C’est ce qui explique qu’il ait pu attirer à peu près une vingtaine de doctorants intéressés par ces sujets, intéresser les milieux professionnels des entreprises (sa place dans les débats sur la notion de compétences dans les années 1990), et le milieu de la formation des adultes. Sa production écrite et orale atteste de cet élargissement durable de ses activités jusqu’à aujourd’hui.
A la fin des années 1980, avec Vincent Merle et Jacques Leplat, il est responsable scientifique d’un programme de recherche initié par le Ministère de la Recherche et de l’Espace, intitulé : formation et apprentissage des adultes peu qualifiés (Ginsbourger, Merle & Vergnaud, 1992)[1]. L’enjeu y est de trouver les moyens de faire face aux mutations du travail et à un des problèmes qu’elles entraînent : « la reconversion d’adultes de faible niveau scolaire, ayant tenu durablement des emplois routiniers et sclérosants classés au bas de l’échelle des emplois » (Ginsbourger, p. 13). On peut dater de cette époque l’entrée de Vergnaud dans des problématiques de formation des adultes et de formation professionnelle, et l’intérêt du monde de la formation pour Gérard Vergnaud. Pierre Pastré est un des membres de ce petit groupe de chercheurs et c’est dans ce cadre qu’il conduit ses deux recherches inaugurales de la didactique professionnelle, celle qu’il consacre au travail des confectionneuses de cigarettes, à la Seita, et celle qui porte sur la conduite de presses à injecter, qui forme aussi le « terrain » de sa thèse encadrée par Gérard Vergnaud et soutenue en 1992 : essai pour introduire le concept de didactique professionnelle. Dans ce groupe de travail, figure aussi une équipe dont fait partie un autre doctorant de Gérard Vergnaud, Gérard-Jean Montcler et qui travaille sur la capacité à « se situer » d’adultes sans qualification. On peut dire que Gérard Vergnaud est à la fois l’encadrant et l’inspirateur mais qu’il est aussi entraîné dans cette direction et cet élargissement de ses intérêts par ses doctorants et fréquentations d’un nouveau domaine de l’éducation. Dans ces mêmes années, un groupe de recherche réunit didacticiens des mathématiques et didacticiens « professionnels » parmi lesquels Janine Rogalski, Renan Samurçay dont font évidemment partie Gérard Vergnaud et Pierre Pastré. Plus tard, Ils contribuent à fonder un club CRIN (clubs recherche-industrie) qui regroupe acteurs des entreprises et chercheurs, autour de la question des compétences. Plusieurs recherches en didactique professionnelle sont issues de ce groupe. Alain Savoyant, Sylvie Canes-Martin, Patrick Mayen, y participent.
Sur le plan théorique, Ces chercheurs éprouvent le cadre de référence élaboré par Gérard Vergnaud, et en montrent la pertinence. Mais ce dernier propose aussi une manière très originale de penser la notion de compétence, de manière développementale.
Un certain nombre de principes fondateurs de la didactique professionnelle sont présents dans l’œuvre de Gérard Vergnaud qui en a été l’inspirateur, citons-en quelques-uns sans prétention d’exhaustivité :
- L’action est organisée, au niveau cognitif et affectif
- Au cœur de l’action (et de la formation), la conceptualisation
- Une grande partie de nos connaissances sont des compétences
- Le développement cognitif peut se poursuivre tout au long de la vie
- Il est nécessaire d’analyser l’activité en situation et notamment l’activité d’apprentissage pour concevoir les modalités de formation
- L’activité en situation est l’unité de base de l’analyse et c’est aussi l’unité de base de la formation
- L’apprentissage et la formation sont des processus sociaux et le rôle du « formateur » (enseignant, tuteur, autrui…) est décisif
- L’expérience joue un rôle décisif dans la maîtrise des situations…
[1] Ginsbourger, F., Merle, V., Vergnaud, G. (coord.) 1992. Formation et apprentissage des adultes peu qualifiés. (p 153-184). Paris : La documentation française.
Le Bureau de l'association
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